Nos Armoiries
Les peuples anciens pour se reconnaître sur les champs de bataille utilisaient déjà des signes peints sur leurs boucliers. Si à l’origine, l’armée grecque était formée de citoyens indépendants avec chacun un symbole différent pour s’individualiser, très vite la tactique prévalue, l’unité du groupe l’emporte sur l’individu. Au signe individuel, se substitue l’emblème collectif de la phalange macédonienne et plus tard de la légion romaine. (1)
Au cours des Croisades, les troupes occidentales à la conquête du Saint-Sépulcre formaient un tel mélange de populations différentes par les coutumes et le langage qu’il faut bien se faire reconnaître des siens.
Ainsi, les Rois, et les chevaliers qui avaient quelques hommes sous leurs ordres, afin de pouvoir les identifier, firent peindre des signes de couleurs tranchées, de manière à s’y retrouver.
Aussi les armoiries les plus anciennes sont-elles souvent les plus simples. Les boucliers anciens étaient originairement en bois ou en métal, dans le premier cas ils étaient peints ou recouverts de fourrures. Dans le deuxième, ils étaient soit de teinte naturelle (fer, cuivre, argent ou or), soit argentés ou dorés. Pour les métaux il y avait donc deux couleurs de base : le blanc (appelé argent) et le jaune (or). L’héraldique se servira aussi d’un très petit nombre de couleurs : le bleu (appelé azur), le rouge (gueules), le vert (sinople), et plus rarement le violet/rouge (pourpre), le noir (sable), l’orangé et la couleur chair (carnation).
A leur retour, les croisés rapportent avec eux ces symboles peints, ils durent les conserver autant comme un souvenir que comme une marque honorable de leurs hauts faits. Raymond IV de Saint-Gilles-Toulouse, commandant de la Première Croisade avec Godefroi de Bouillon reviendra de Terre-Sainte avec la Croix de Toulouse ou Croix du Languedoc. (1)
Les armes de Montréjeau au XIIIème siècle
Les armes de Montréjeau n’ont pas cessé d’évoluer durant les siècles.
Les premières armoiries de la ville au XIIIème siècle correspondaient à sa fondation royale et seigneuriale. Les armes royales de France étaient sculptées au-dessus des portes de la ville, celles d’Arnaud d’Espagne-Montespan, vicomte de Couserans, un peu au-dessous à gauche de celles du Roi (2). Arnaud d’Espagne-Montespan, vicomte de Couserans, portait : de Comminges et Montespan, d’argent au lion de gueule armé et lampassé d’azur, à la bordure de sinople chargée de six écussons d’or bordés de gueule (3).
Nous n’avons pas aujourd’hui les éléments nécessaires pour affirmer que les armoiries de la maison Espagne Montespan étaient bien en lieu et place comme décrites plus haut et sculptées aux portes de la ville.
Toutefois, sur la photographie d’une pierre travaillée, on aperçoit deux écussons : à gauche un chêne déraciné et à droite les armes d’Arnaud d’Espagne. Cette photographie sur plaque de verre date de la fin du XIXème siècle. Elle est aux archives départementales à Toulouse.
Malheureusement nous ne savons pas ce qu’est devenue cette pierre et surtout de quelle époque elle date. Néanmoins, il est bon de noter ici la première apparition du chêne déraciné dans un écusson, et curieusement il n’est pas associé aux armoiries du Roi de France comme dans la version actuelle des armoiries de notre commune.
Avant la Révolution
La seule preuve d’armoiries datant d’avant la Révolution, avec fleurs de lis, timbrées d’une couronne royale et entourées de feuilles de chêne remonte à une « Ordonnance de Messieurs les Consuls et autres Officiers formant le Conseil politique de la ville de Montréjeau » du vingt-deux août 1787. La photographie de cette ordonnance, conservée aux archives départementales, date elle de la fin du XIXème siècle.
Notons qu’en héraldique la couronne royale a été ouverte jusqu’au XVème siècle, puis à partir de cette période on la représente fermée. Elle symbolise avec les fleurs de lis l’appartenance de la ville au Roi. C’est donc la version « moderne » de cette couronne qui est représentée sur les armes de Montréjeau.
Après la Révolution
Le baron Marc de Lassus fait état d’un cachet de cire rouge apposé sur un passeport délivré par le maire et les officiers municipaux le 22 juillet 1791 (4) : « Dans un ovale dont la bordure porte ces mots : Commune de Montréjeau; il est gravé un écusson carré sommé de la couronne royale de France, et qui peut se blasonner ainsi : d’argent au chêne arraché de sinople en chef à trois fleurs de lis d’azur ou d’azur au chêne d’or en chef à trois fleurs de lis de même. »
Comme le fait si judicieusement remarquer Monsieur le Baron, ce blason daterait de 1789, le mot commune semblerait l’indiquer. Malgré le grand bouleversement provoqué par la Révolution les fleurs de lis subsistent encore, ce qui ne sera pas toujours le cas.
Dans ces deux représentations il faut remarquer que les armoiries de la maison d’Espagne-Montespan ont disparu. Cette disparition doit remonter à la fin du XVIème siècle. A la mort de Roger IV le 22 mars 1555, au château d’Ausson. Avec lui s’éteignit la maison d’Espagne-Montespan. L’unique héritière Paule d’Espagne est l’épouse d’Antoine de Pardailhan de Grondin qui par la même occasion devient le nouveau seigneur de Montréjeau avec le titre d’Antoine de Pardailhan de Grondin de Montespan.
Les armes de Montréjeau à la Restauration
Le 26 décembre 1814, une ordonnance royale autorise les villes et les communes de France à choisir entre l’ancien et le nouveau blason.
Le conseil municipal de la ville, présidé par Monsieur Fortassin avocat et ancien consul, délibère à l’unanimité pour les armoiries postrévolutionnaires. Les armes adoptées au cours de ce conseil consistent en un chêne de sinople sur champ d’argent.
Tout ce qui rappelait les origines de Montréjeau avait été gommé, plus de couronne, ni de fleurs de lis. Seul le chêne déraciné rappelait que la ville avait été construite sur l’emplacement d’une forêt de chênes.
Le retour aux origines
Petit à petit, au fil des ans, le blason de la ville de Montréjeau retrouvera une partie de ses éléments d’origines.
Un amalgame subtil des armoiries d’avant et d’après la révolution sera retenu par le bon sens populaire. Ecusson que l’on peut blasonner de manière suivante : « d’argent à chêne déraciné de sinople, au chef d’azur à trois fleurs de lis d’or, timbré d’une couronne royale, orné de la pointe à dextre et à senestres de feuilles de chêne.
- Que sais-je ? Le Blason par Geneviève d’Haucourt et Georges Durivault – Presses Universitaires de France 1960.
- Statuts et Coutumes de Montréjeau, M. le baron Marc de Lassus, pages 28.
- Statuts et Coutumes de Montréjeau, M. le baron Marc de Lassus, pages 19 ou Histoire des grands officiers de la Couronne, P. Anselme, t.II, page 648.
- Statuts et Coutumes de Montréjeau, M. le baron Marc de Lassus, pages 29.